• S’il vous plait…le chemin….

     Une fresque murale sur le fronton de la chapelle Sankt-Jakob, à Tavel, dans le pays singinois, peinte en 1769 par Jakob Stoll, raconte la légende d'un père et de son fils partis en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. En chemin, à Tavel,  dans une auberge, la patronne cache une coupe dans leur bagage puis les dénonce en les accusant de vol. Pour épargner son père, le fils se dénonce. Accablé le père arrive à Saint-Jacques et prie le Saint, qui, bien sûr, va exaucer son voeu et lui faire retrouver son fils sur le point d'être pendu mais vivant. C'est la légende du pendu dépendu.Le chemin de Saint-Jacques passe à Tavel en direction de Schwarzenburg. Il existe d'ailleurs une confrèrie de Saint-Jacques, créée en 1620. Elle s'appelle Gruppo Santiago et organise diverses manifestations.

     

    S’il vous plait…le chemin…. Les dernières neiges fondues, les pèlerins ne tarderont pas à reprendre leurs bâtons pour arpenter les chemins sur quelques milliers de kilomètres pour rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle.Mais quel est donc cet engouement qui jette sur les routes dès les premiers rayons de soleil, ces étranges silhouettes toujours en mouvement ?La performance sportive ? La recherche de l’extrême ? Une quête spirituelle ? La fidélité à une parole donnée…. à quelqu’un qui n’est plus ? Le désir de rencontres ? La souffrance rédemptrice pour un au-delà incertain ? Tout ou partie…en fonction des personnes.

     

    Il est dit, dans l’Ancien Testament, que les trois grandes fêtes, Azymes (Pâques), Moisson (Pentecôte),et Récolte (Cabanes) se devaient d’être célébrées devant Dieu d’où le pèlerinage à Silo où se trouvait l’Arche qui renferme les tables de la Loi, puis, sous Salomon, au Temple, lieu de toutes les montées.         

    En Europe, les pèlerinages se développèrent au Vème siècle vers le tombeau de Saint Martin de Tours et à Saint Michel en Normandie au VIIIème, enfin, à partir de 830, à Saint-Jacques-de-Compostelle. La raison primitive du pèlerinage est donc religieuse.

    Les pieds dans les traces de leurs prédecesseurs , ainsi vont les pèlerins modernes, suant, soufflant, trébuchant, abandonnant parfois, remettant à plus tard ou renonçant définitivement…même si les conditions sont moins drastiques qu’au Moyen-Age où ils étaient décrits comme «  ces épaves de la route, miséreux par principe, vivant de la charité publique, épuisés de lieues ».

     

    La Rencontre avec soi-même mais aussi la Rencontre avec les Autres, au-delà des différences, unis par un même but, l’espace d’un moment. Faire la Route, faire un pèlerinage, faire des rencontres, c’est l’occasion enfin manifestée d’être l’auteur de sa propre vie, de faire preuve de créativité dans ses relations avec les autres et avec soi-même. En regard de cela, la destination n’est plus le but ultime.

    Et puis ces rencontres passagères, parfois éphémères, véritable catharsis pour évacuer son mal-être, confier sa détresse à qui l’on ne reverra plus…pas de jugement, pas de regard qui condamne…

    Le pèlerinage, voyage initiatique à la rencontre de soi-même ? Mais d’abord se vider, se débarasser de toutes ces scories accumulées dans une vie antérieure…se détacher de tout ce qui fait de nous, pauvres humains, des colosses aux pieds d’argile. Telle est l’utilité symbolique de ce lieu près de Foncebadon, en Espagne, où on abandonne sous la forme emblématique de petites pierres, ces attachements qui nous empêchent de nous élever.

    C’est aussi le retour à la Mère Nature, l’indicible impression d’ETRE le caillou qui roule sous le pied, le nuage qui passe devant le soleil, le brin d’herbe à la merci du vent, renvoyant ainsi à la conception cosmogonique des Anciens pour lesquels l’homme était partie d’un Tout, le Tout étant l’univers, et en constante interaction avec lui….Rêve d’une harmonie perdue…Nostalgie..Méditation…

    Venons-en enfin à la signification symbolique du pèlerinage : no man’s land entre départ et arrivée…on est parti…mais arrivera-t-on ? Et si oui, comment ? Sera-t-on jamais le même ?

    « Partir, c’est mourir un peu «  disait Montaigne…Mourir à soi-même, mourir aux autres, à tout ce qui a eu de l’importance à moment donné….autrement dit « faire son deuil »…En cela, qu’il ait fait ou non un pèlerinage à Compostelle, chaque être humain n’est-il pas un pèlerin de la vie ?

     

    S’il vous plait….le chemin… ?  

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  • Commentaires

    1
    eole
    Mardi 5 Juillet 2016 à 11:00

    j'aime beaucoup cette analyse. yes

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